photo Antoine AUBRY président du Syndicat de la Vire©Stéphanie Montagne

L’Ô d’ici

Antoine AUBRY

président du Syndicat de la Vire

La Vire, source de vie, oui mais ?

Publié le

Agriculteur bio de métier, maire de la charmante commune de Sainte-Suzanne-sur-Vire, véritable havre de verdure, Antoine AUBRY s’emploie également, avec l’aide de son équipe, à mener à bien les missions attribuées au Syndicat de la Vire, dont il a en charge la présidence. À l’issue d’un entretien très instructif, plus aucun doute ne demeure sur l’utilité de protéger et de surveiller les rivières.  

Qu’est-ce que le syndicat de la Vire ?

Né en 2010, le Syndicat de la Vire a pour missions principales d’assurer l’entretien et la qualité de l’eau sur l’ensemble du tronçon Fourneaux - Baie des Veys, là où la rivière rejoint le bras de mer. 
Appartenant au domaine public, l’état a cependant retiré la Vire du domaine fluvial en 1926. Depuis ce retrait, la nette décroissance des activités fluviales a laissé un vide quant à la surveillance et la « bonne santé » de la rivière. Le transfert de propriété au Syndicat depuis 2010 a dès lors permis de réengager de nombreuses actions pour faire face à cet abandon destructeur et dangereux sachant que la Vire est classée dans la catégorie « régime torrentiel ».

Comment se traduisent les actions ?

Le but à atteindre consiste à redonner au cours d’eau la configuration et la biodiversité d’il y a 200 ans en y ajoutant l’aspect écologique et climatique. Cela implique une « renaturation ». En d’autres termes, dans le cadre d’un programme européen défini, il faut réduire les 80 mètres de dénivelés non naturels à 30%. Cela induit donc la destruction des ouvrages, (centrales hydro-électriques, barrages), devenus inutiles depuis l’arrêt de l’activité fluviale économique.  

Un programme à caractère écologique donc ?

Oui, puisqu’il permet d’ores et déjà de mieux lutter contre l’eutrophisation, c’est-à-dire le développement des algues qui empêchent la vie aquatique et détériore l’eau des rivières, et rendra à nouveau, si tout va bien, la rivière poissonneuse. Nous avons à ce jour atteint les 40%.

Vous vous exprimez au conditionnel, pourquoi ?

Le chantier de renaturation est complexe car en comparaison avec l’existant d’il y a 200 ans, il faut dorénavant prendre en compte les bouleversements liés au réchauffement climatique. Permettre aux poissons de remonter les rivières c’est aussi permettre à l’eau salée de reprendre du terrain. Or les marées par exemple pousse l’eau salée de plus en plus dans les terres. L’eau saumâtre (dont le goût découle de l’eau de mer mêlée à l’eau des rivières) n’est pas compatible avec la notion d’eau potable. Nous expérimentons actuellement les éventuels bienfaits sur la mise en place de vantelles “vanne à guichet coulissant” pour résoudre la problématique : remontée des poissons et eau potable ! 

L’eau potable justement relie votre action à celle de Saint-Lô Agglo… 

« L’Ô d’ici » qui alimente le Saint-Lois, reconnue de qualité est issue du pompage (entre 5000 à 6000 m3 à l’année) installé à Baudre. Pour maintenir ce degré de qualité il faut notamment surveiller et lutter contre les dégâts provoqués par les pluies torrentielles, les résidus, les plantes invasives…

De quelle manière ?

Nous répertorions et créons des zones humides, capables d’absorber le trop-plein en cas de pluies abondantes et de restituer l’eau lors des épisodes de plus en plus fréquents de sécheresse. Ce travail doit se faire en toute autonomie. Nous devons permettre à l’eau d’accéder seule à ces espaces dédiés et d’en ressortir seule. Nous menons également des actions préventives contre la prolifération des plantes invasives de type exotique, comme la Crassule, pas du tout adaptée à notre environnement. Elles ont pour conséquence d’asphyxie les rivières. Ces plantes proposées à la vente pour agrémenter les aquariums sont rejetées dans les cours d’eau. Le problème ne vient pas du fait de posséder un aquarium mais bien de ce qu’on y met dedans. Il suffirait juste d’acheter des espèces issues de notre biodiversité. Nous espérons par exemple sensibiliser les chasseurs au gabion à cette cause. La lutte contre la Crassule implique l’investissement de l’homme. Il faut déraciner les plantes, pied après pied, pas après pas…  

Vos actions piscicoles et sanitaires ne peuvent se faire qu’en concertation totale avec l’ensemble des communes et des acteurs de terrain ?

Les entités juridiques EPCI (Établissement public de coopération intercommunale), Saint-Lô, Carentan-les-Marais, Isigny-sur-Mer et Vire travaillent en concertation via le Syndicat de la Vire. Travail en amont, anticipation, coopération ne doivent pas se contenter d’être des notions. Les actions vitales ne sont possibles que si elles sont pensées en cercle vertueux. 

 

Rédaction : Stéphanie Montagne-Grésille